Un p'tit air de rue
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 After Hours

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HeLiuM
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HeLiuM


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MessageSujet: After Hours   After Hours EmptyDim 6 Déc - 19:11

Bonjour les morts

Bon, je relance ce forum triste mais bien aimé quand même pour un projet personnel, à savoir la réécriture de textes à moi (Insecticide - After Hours - Metal Machine Music) pour un recueil de nouvelles que j'ai depuis un moment en tête, où donc chaque histoire se déroulerait dans la même ville (que je ne citerai jamais) et où on retrouverait certains personnages (à commencer par le docteur Rosenberg, qui joue un rôle important dans les trois histoires). Je m'attelle depuis un moment à la réécriture de After Hours, donc, histoire de l'étoffer et d'en faire quelque chose de plus sérieux, dont je vous présente le premier jet. Merci de vos réactions et pour votre temps consacré si une bonne âme passe par ici par hasard !

Pour le texte, reportez vous à "des histoires plus longues" pour comparer avec la première version. Le premier texte que je vous présente, vous le verrez, est en fait une véritable introduction avant la mort du fameux Rodriguez. Bonne lecture et merci encore à ceux qui se manifesteront !
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HeLiuM
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MessageSujet: Re: After Hours   After Hours EmptyDim 6 Déc - 19:12

Je connaissais assez mal Monsieur Rodriguez. Quand je l'ai vu pour la première fois, c’était dans un bar sordide, le Wheel & Beer. Il se tenait accoudé à un comptoir, un verre de vin blanc à la main, à draguer une bande de jeunes adultes que ça semblait amuser. Il fumait malgré l’interdiction et déposait nonchalamment ses cendres dans des verres vides que le barman ne prenait pas la peine de débarrasser. Son attitude pouvait surprendre, voir mettre mal-à-l'aise. Par exemple, il mentionnait sa pédérastie dans toutes ses phrases. Il buvait beaucoup mais ne semblait jamais ivre, et il connaissait la ville et ses habitants comme sa poche. En fait, il tutoyait même ceux qu’il ne connaissait pas. Il se considérait pour ainsi dire comme notre marraine à tous. Et à vrai dire, il était pour beaucoup une icône incontournable, une sorte de monument que l’on se devait de visiter lorsqu’on passait dans le coin. Et, selon une rumeur tenace, Rodriguez était un édifice que certains ne se contentaient pas de visiter. Il ne faisait pas l’unanimité, et ses détracteurs le considéraient comme un vulgaire gigolo drogué, un répugnant nid à MST.

En fait, Monsieur Rodriguez ne m’a adressé la parole qu’une seule fois. C’était un de ces soirs où j’étais vissé à la terrasse du Wheel, entouré de gens que je n’aimais pas vraiment à siroter de la bière pas fraîche tout en me demandant ce que je fichais là. Rodriguez s’est approché et a salué mes compagnons de fortune. Je regardais ailleurs pendant qu’ils se faisaient des bises et se tapaient affectueusement dans le dos, et lorsqu’il s’approcha de moi, j’eus un mouvement de recul. Ce n’est pas que je ne l’aimais pas, mais faire la bise à des hommes n’était simplement pas une de mes coutumes. Il est apparu vexé un instant, puis m’a souri d’une manière insolente. Il s’est approché de moi et a chuchoté à mon oreille, avec une voix qu’il devait croire sensuelle, qu’il aimait les garçons difficiles, qu’il aimait qu’on lui résiste. Puis il m’a regardé droit dans les yeux et a déclaré de manière solennelle :

- Je vais changer ta vie. Plus rien ne sera plus jamais comme avant. Tu verras, je serai ta plus grande aventure.

Avant d’éructer un rire excessif et de repartir faire le zouave avec sa cour. En un froncement de sourcil, j’avais oublié cette conversation. Il faut dire que la suite de la soirée fut riche d’évènements plus spectaculaires.




Après être partis sans payer et avoir copieusement insulté le patron du bar, la bande de hooligans qui me servaient d’amis est partie divaguer dans les ruelles glauques du quartier. Je les suivais sans grande conviction, juste parce que je n’avais pas envie de dormir. Alors que deux d’entre eux hurlaient grassement leur ivresse aux fenêtres des immeubles, les trois autres s’affairaient, excités comme des puces, visiblement motivés par ce que l’un d’entre eux cherchait dans ses poches. Je cru deviner sur son visage une expression d’inquiétude alors qu’il s’administrait à lui-même une fouille complète, allant jusqu’à ôter ses chaussures pour regarder sous ses semelles. Je n’eus pas besoin de beaucoup d’imagination pour deviner l’objet de l’engouement général. D’autant plus que le type avait la réputation et la gueule de l’emploi : il avait un piercing infecté à l’arcane sourcilière, des yeux bleus clairs à la fois embrumés et alertes, et en guise de coiffure des mèches grasses de différentes tailles, et ça et là des trous béants effectués au rasoir, formant une sorte de répugnant puzzle, qui illustrait probablement la logique malade du cerveau qui se trouvait peut-être en dessous. Ces soi-disant faits d’armes, des racontars qui sortaient de je ne sais où, étaient d’avoir cambriolé une pharmacie tenue par un mec dont il baisait régulièrement la femme, d’où son inépuisable réserve de médicaments en tout genre.

C’est finalement dans la doublure trouée de son vieil imperméable hideux qu’il trouva, sous les acclamations des quatre vautours qui l’entouraient, un sachet en plastique contenant une petite dizaine de pilules blanches communément appelées ecstasy. On s’est alors tous rapprochés, près à gober ce que le petit dealer miteux allait nous donner. Comme il mit lui-même un cachet dans la bouche de l’heureux premier servi, l’image attendrissante d’oisillons nourris par leur mère dans le nid me vint. Mais avant que je ne puisse goûter à ce délice chimique, deux des hooligans se mirent à se frapper brutalement au visage sans motif apparent, du moins sans que je n’eus le temps de comprendre. L’alcool que les deux chiffonniers avaient ingurgité déformait la prononciation de leurs jurons, ce qui rendait la scène particulièrement pathétique. Entre les « fils de pute », les « sale pédé » et autres douceurs du genre, le garçon au puzzle capillaire les somma de fermer « leur putain de gueule » qui risquait de rameuter la police dont on ne souhaitait pas la présence. Il exigeait la plus grande discrétion pendant la dégustation de sa marchandise, mais il n’avait simplement pas bien choisi ses clients, qu’on ne pouvait réduire au silence par une simple remontrance.

Il fallut peu de temps pour que les gens du voisinage commencent à pointer leur nez aux fenêtres et demandent un rapide retour au calme, avec le vocabulaire qui caractérise ce genre de requête. Le dealer, échauffé, se jeta à son tour sur les deux bagarreurs pour les rosser sévèrement, et il savait visiblement y faire. Alors que ce désolant mais néanmoins distrayant spectacle me faisait me dire que je n’avais pas perdu ma soirée, une sirène de police retentit violemment, et une voiture break banalisée de la police municipale s’arrêta à nos côtés en prenant soin de bien faire crisser ses pneus.

Là, tout se passa très vite. Les deux gigantesques agents qui sortirent n’étaient pas vraiment des bavards, et ils ne firent pas plus d’une sommation. Le morveux aux pilules, qui n’était pas du genre à s’écraser face à un uniforme, leur gueula d’aller s’enfoncer leur matraque dans un endroit de leur anatomie qu’il est inutile de préciser. Sans même courir, l’un des policiers fit trois foulées d’ogre pour le soulever par le collet et le jeter sur le capot de leur voiture. Le nez du dealer percuta le pare-brise et se brisa net. Le flic lui passa ensuite sèchement les menottes puis l’abandonna là pour s’occuper du reste de ma bande, dont je m’étais éloigné. Indignés par cette démonstration de justice expéditive, mes quatre anciens acolytes protestèrent sans penser qu’ils allaient aussi y avoir droit. L’un d’eux, dont la grande gueule n’était pas la moindre caractéristique, avança avec assurance vers les deux flics pour appuyer sa colère. Mais sa revendication s’arrêta nette lorsqu’il reçu un féroce coup de Rangers dans les côtes de la part de l’autre agent et partit valser dans un local à poubelles pour ne pas se relever. Comme ils comprirent qu’il ne fallait pas trop chatouiller les deux géants à képi, les trois derniers firent mine de se désintéresser de la situation et tentèrent discrètement de s’éclipser. Malheureusement pour eux, c’était sans compter la détermination psychotique des deux fonctionnaires stakhanovistes. A grand renfort de matraque télescopique, les trois délinquants en herbe furent maîtrisés très rapidement et jetés comme des sacs dans la voiture de fonction.

Toujours menotté et cloué au capot, le nez dégoulinant d’un sang presque noir, le dealer retrouva ses esprits quand les agents le saisirent par les épaules pour l’engouffrer à son tour dans le véhicule. Je l’entendis d’abord gémir de douleur, puis à nouveau proférer des insultes à l’encontre des policiers, qui se regardèrent un moment, s’interrogeant mutuellement sur le sort qu’ils allaient faire subir à ce merdeux récalcitrant. Sans échanger un mot, comme si leur regard était une concertation suffisante, ils attrapèrent d’une main chacun l’épouvantable chevelure du malheureux. Son visage abîmé dirigé vers le ciel nocturne, légèrement éclairé par la Lune et les lampadaires, semblait maintenant implorer le pardon, mais trop tard. Les quatre chocs brutaux qui suivirent étaient ceux du crâne du dealer cognant sur la carrosserie de la voiture. Désormais inanimé, son corps fut balancé dans le coffre de la voiture, toutes les places arrières étant occupées par mes ex acolytes terrorisés. Les habitants du quartier avaient disparus des fenêtres.

C’est avec regard circonspect que j’avais observé la scène, d’une rare violence il faut l’admettre. Les flics démarrèrent leur véhicule, allumèrent leur gyrophare et firent demi-tour. Comme ils se retrouvèrent nez-à-nez avec moi, resté spectateur sur un trottoir obscur, ils s’arrêtèrent un instant et me fixèrent de leurs yeux verts, à travers le pare-brise fissuré par les coups répétés d’un crâne humain.

Ils avaient tous les deux ce même intense regard vert qui devait faire son effet durant les interrogatoires. D’ailleurs, ce n’était pas la seule chose qu’ils avaient commun. Outre l’uniforme, bien entendu, les deux agents avaient la même taille de géant, pas loin de deux mètres. Les cheveux noirs coupés courts et en brosse, un nez long et fin, des lèvres pincées, une peau très claire et sans défauts. C’est au moment où je réalisais qu’il s’agissait de jumeaux que l’agent qui conduisait me fit un signe de tête menaçant pour repartir en trombe et disparaître à deux intersections plus loin.

Tous ces types qui furent jadis, disons, des comparses, des figures familières de mon quotidien, disparurent de ma vie ce jour là. Ils sont partis direction le commissariat et je ne les ai plus jamais revus. A vrai dire, j’en ai oublié jusqu’à leur nom.
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