A History of Violence

Il est toujours difficile d’écrire sur une œuvre que l’on aime plus que tout, que l’on place au dessus de toutes les autres. Ces films qu’on ne regarde pas mais que l’on vit.

J’aime, j’adore, j’adule le cinéma, je le déifie, même. J’aimerais que le monde entier puisse le ressentir aussi fort. C’est pour ça qu’on prend un certain plaisir narcissique à écrire sur un film. Etaler son bon goût. Forcer le lecteur à aimer la même chose que nous. Mettre des mots inutiles sur des images qui disent tout. Expliquer pourquoi le plus nul des Spielberg sera toujours meilleur qu’un Besson. Prendre plaisir à taper gratuitement sur Besson. Ecrire une critique ? Merde, quelle prétention ! Mais je m’égare.

Tout ça pour dire qu’il n’y a rien de plus frustrant qu’être incapable d’écrire sur un chef d’œuvre, parce que, bien sûr, ces satanés mots ne sont jamais à la hauteur. C’est pas demain que je serai capable de parler correctement de Once Upon a Time in America. Alors quoi, on fait l’impasse ? Non, quand on est un peu aventurier, on essaie, au risque de se ramasser.

Alors voilà, A History Of Violence est diffusé sur France 2 ce soir. Ce sera en version française, et c’est bien là la seule raison pour laquelle je ne regarderai pas la chaîne. En revanche, je le regarderai en VO avec mon lecteur dvd, en même temps qu’une bonne partie des téléspectateurs français, que dis-je, la meilleure partie des téléspectateurs français, et je vivrai ça comme une merveilleuse communion, en me disant wahou, dire qu’en ce moment même des gens découvrent A History Of Violence. C’est une des nombreuses définitions du bonheur. Mais vraiment.

Déjà, A History Of Violence est un film de David Cronenberg, ce qui est une raison incroyablement suffisante pour avoir envie de le voir. Et qui n’est pas d’accord n’a jamais vu Faux Semblant et n’a donc pas le droit d’avoir un avis. C’est une des rares incursions de David dans le monde réel, domaine avec lequel il ne flirte que rarement, préférant filmer des gens qui se transforment en mouche ou en magnétoscope. Mais son savoir-faire demeure présent, plus que jamais. Cronenberg fait des films comme il tuerait un homme de sang froid : il bouleverse, terrifie, torture, fait jouir le spectateur tout en restant parfaitement neutre. C’est ce qu’il fait avec AHOV, plus que jamais.

Le travelling initial est déjà une merveille, c’est évident. On démarre sur le constat d’un braquage particulièrement sanglant suivi du meurtre d’une fillette par deux individus particulièrement dénués de scrupules. Le choc est intense, et la tranquillité apparente de la famille Stall est immanquablement hantée par cette image traumatisante. Ca fait pas cinq minutes que ça a commencé que c’est déjà scotchant.

Traumatisant, ouais. En fait, ce seul mot résume assez bien l’effet que le film a eu sur moi. Car cette violence, parlons-en. Elle est constamment présente. Et pas seulement la violence physique, plus évidente, bien sûr. Mais aussi la violence des sentiments, la violence des rapports humains, la violence de l’amour, la violence de la dualité, la violence des regards… L’omni-violence, quoi. Plus envahissante encore que Carla Sarkozy dans les pages de Paris Match. La violence domine le film, l’histoire, les personnages, le monde. Elle est au dessus de tout, nous regarde de haut, grande dictatrice de nos agissements et de nos remises en questions, intolérable et magnifique.

Cette fameuse scène de braquage, la première, celle qui donne sa raison d’être à l’histoire. Jamais on ne s’est autant senti en danger devant un film. La scène provoque un incroyable sentiment d’insécurité qu’aucun film n’a jamais réussit à me donner. Une prise d’otage émotionnelle. Hallucinant. Et la suite est du même ordre, d’une intensité incroyable, hallucinante, traumatisante, bordel, encore ce problème de vocabulaire qui me condamne à utiliser quinze fois les mêmes termes. Décidément, les mots ne sont jamais à la hauteur.

Pas la peine d’essayer de l’expliquer, le film, car bien évidemment, ça n’intéressera personne. Une explication de mon ressenti personnel, de mon analyse ? Et ta sœur, ouais. Il faut juste savoir que A History Of Violence, sous ses apparences de thriller classique, est en fait le plus grand film de cette décennie. Cronenberg excelle partout, même dans les scènes d’action explosives dont il n’est point coutumier. Il immortalise l’horreur et le paradis à l’aide d’une fabuleuse photographie, filme la scène érotique la plus sensuelle qui soit et a le culot d’en filmer une seconde plus intense et bouleversante encore, il n’a jamais été aussi émouvant. Howard Shore livre une partition d’une beauté à causer des crises cardiaques.

Et l’interprétation, diantre, l’interprétation ! Viggo Mortensen use son regard comme d’un fusil, se fait doux comme un agneau un instant et terrifiant le suivant, il mériterait de se noyer dans une piscine d’Oscar. Maria Bello est incroyablement belle et déclenche les vannes lacrymales à la moindre apparition. Ed Harris est plus que glaçant, William Hurt est délicieusement salopard…

Et ce final, merde, ce final… Non content de faire vivre au spectateur un combat final à la fois cruel, terrifiant et hilarant, Cronenberg conclut sur une scène muette, un combat de regards hypnotique particulièrement émouvant qui me fait pleurer rien que d’y penser. Impossible de ne pas regarder le générique jusqu’à la fin tant on est estomaqué par l’émotion. C’est juste merveilleux. Merveilleux, jouissif, génial, effrayant, fantabuleux, tétanifiant, désolé, au bout d’un moment, faut bien inventer des mots quand on n’en a plus. D’ailleurs, il est sage de s’arrêter maintenant, avant d’en faire trop. A History Of Violence est le meilleur film des années 2000, pour le moment, et je suis très objectif.

S'il n'y avait pas La 25ème heure, je dirais que je suis d'accord...

Etant moi aussi un fan de Cronenberg je suis tout à fait d'accord, en revanche j'ai préféré ses autres films, ceux où on se transforme en mouche ou en magnétoscope...le jeu de la chair est un domaine où il excelle et il y revient d'ailleurs dans AHOV sporadiquement par la violence décalée et volontairement outrancière des scènes de baston..Ah David...I love you!

Faut vraiment être un mec pour aimer les hommes qui se transforment en mouches ou en magnetoscopes...

A History of Violence, meilleur film des années 2000. Je veux bien que ce soit ton préféré, mon cher HeLiuM, mais quand tu dis que tu es objectif, cela m'embête un peu. J'ai d'ailleurs revu le film il y a fort peu de temps avec ma chère Maman - fan du nouveau Cronenberg, soit dit en passant, celui qui ne transforme pas ses personnages en mouche - et en effet, c'est un très bon film, un excellent film, voire même un grand film. Mais bon, de là à le proclamer meilleur film des années 2000, faut pas pousser quand même. Parce que l'ami Cronenberg a de sérieux concurrents (les Scorsese, Eastwood, Desplechin, Coen, Fincher (sic), OSS 117, Tarantino, P.T. Anderson, Spielberg et cie). Je ne mettrais même pas AHOV dans un top 20 années 2000. Bim bam boum, je vais me faire déchiqueter par le rouquin avignonnais, moi.

D'ailleurs, cela me donne une idée. Pourquoi ne pas organiser sur ce forum magique la mise en place d'un top 20 années 2000, toute nationalité confondue, où les différents membres encore vivants viendraient donner leur top 20 des meilleurs films sortis entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2009. Je sais, c'est pas cool pour les films qui vont sortir ces 8 prochains mois, mais who cares. Qu'en dites-vous ?

Pfouh, ça va être dur à édifier, ça, un Top 20. Je suis pas hyper partisan des classements de films, donc je me contenterai de critiquer les votres, pour l'instant.

Moi j'suis partant, c'est pas très rock'n'roll, mais j'adore les classements. Mais pourquoi se borner aux années 2000 ? T'es pas sur LES NOTES, là, Raphouille, tu feras pas ta loi, place aux vieilleries !
Pour ce qui est de "l'objectivité", c'est bien sûr une boutade, je pense vraiment que AHOV est le meilleur film de cette décennie, mais c'est en toute subjectivité. Maintenant, ne pas le classer dans le top 20 des années 2000, c'est clairement de l'inconscience. (Surtout si tu comptes y mettre Benjamin Button, putain !)
Bon, pour le classement, je te laisse ouvrir les hostilités !

Mon cher ami, j'ai dit top 20 des années 2000, puisque tu en parlais par AHOV, et que cette année 2009 s'y prête bien, mais l'on peut faire tout un tas de top, c'est rigolo. Et pourquoi pas le top 20 des meilleurs films du monde... Okay, je me lance un de ses quatre. Et Cronenberg se sentira biaisé, je le sens. Homme à la valise, prête-toi au jeu, plus on est de fous plus on rit. Et t'inquiète pas cher Ben, vive les vieilleries. Si on fatit un top 20 tout confondu, tu seras surpris de voir qu'il n'y aura pas beaucoup, voire aucun, de films des années 2000 dans mon top.

Je veux bien essayer, mais voilà, je me vois déjà en train de me détruire la cervelle à tenter d'établir un classement entre les divers Miyazaki, par exemple. Et puis, difficile de classer des films de genres différents, mais à valeurs identiques pour moi !

Mais bon, ça peut être rigolo, oui, pourquoi pas.

Et je serais plutôt pour commencer par un Top 20 des années 2000, alors, à la limite. Toutes époques confondues, faudrait p'têt mieux un Top 50...

marché conclus, le type qu' a eu la bonne idée n'a plus qu'à ouvrir un topic (autrement dit, Adelante)

Moi je suis opée aussi mais il faudrait qu'on choisisse une date précise pour communiqer nos votes parce que sinon, je me connais, je vais être influencée...

ps: est-ce-que quelqu'un peut me prêter There will be blood ?...Toujours pas vu = handicap n°1

pour le coup c'est vrai que tu raterais un possible bumber one!

Côté films années 2000, j'ai de grosses grosses grosses lacunes : pas de Paul Thomas Anderson, pas de Seigneur des anneaux, peu de Pixars... Mon top 20 des années 2000 sera à prendre avec des pincettes, je me rattraperai un de ces quatres. En attendant, mon top 50 de tous les temps sera, bien sûr, le meilleur de tous.