Une histoire de tapi
Los Angeles. Jeff Lebowski alias the Dude, n'a jamais rien demandé à personne. Il coule des jours heureux sans se poser de questions, entre pétards, cocktails répugnants à base de lait et de vodka et bowling, rare discipline dans laquelle il ne se trouve pas être un bon-à-rien. Jusqu'au jour où deux malotrus s'introduisent dans son appartement pouilleux, persuadés qu'il s'agit du domicile d'un milliardaire du même nom. Lebowski, qui n'est pas du genre à avoir quelque chose à redire, n'apprécie tout de même pas que l'un d'eux marque son territoire façon chien errant sur son beau tapis qui harmonise la pièce. Sous les conseils de son ami Walter, un vétéran du Viet Nam pas bien loin de la débilité profonde, Lebowski s'en va exiger un dédommagement de la part de son homonyme milliardaire, un vieil acariâtre sur chaise roulante qui est resté bloqué aux années reaganiennes. C'est le point de départ d'une histoire rocambolesque, celle du plus gros glandeur de Californie au cœur d'un complot complètement absurde.
The Dude is culte
The Big Lebowski, c'est d'abord une formidable galerie de personnages complètement disjonctés de la caboche. Les frères Coen ont déjà montré avec Fargo leur capacité à dresser le portrait de culs-terreux pathétiques, à l'imbécillité congénitale, irresponsables et inconscients. Ici, la dégaine déconcertante du personnage principal vaut déjà à elle seule la vision du métrage. Les cheveux et la barbe d'un hippie retardé, un peignoir poussiéreux et un short tout sauf glamour, Jeff Bridges peut se vanter d'avoir incarné avec brio le héros le moins classe de l'histoire du cinéma. Walter (John Goodman) est tout aussi hallucinant si ce n'est plus, absolument hilarant dans un rôle de brute épaisse d'une bêtise à s'en taper la tête contre les murs. Steve Buscemi est merveilleux en simplet transparent, John Turturro sublimement ridicule en champion de bowling au fort accent et à la sexualité trouble, Julianne Moore irrésistible en artiste warholienne féministe, on pourrait continuer sur plusieurs paragraphes encore tant le film regorge de personnages secondaires cultes à s'en décrocher la mâchoire.
Un ovni
The Big Lebowski, c'est avant tout un ovni, le genre de film qui a décidé de ne rien faire comme tout le monde. On l'adore sans vraiment s'expliquer pourquoi, les situations sont grotesques et à mourir de rire sans pourtant être de purs gags de comédie. On a du mal à croire qu'un film à l'humour si décalé et personnel peut autant chatouiller les zygomatiques des spectateurs. Mais ce n'est pas tout, car The Big Lebowski c'est aussi une vraie intrigue tordue qui tient en haleine et qui n'a pas à rougir de la concurrence. Il y a, dans cet univers bercé par l'exquis Man in me de Bob Dylan, comme une délicieuse élégie à la gloire de la Californie des perdants magnifiques, ainsi qu'un final qui établit un équilibre parfait et rare entre hilarité et émotion. The Big Lebowski, c'est un film qu'on aime comme un ami.
Résumé : The Big Lebowski est un film inimitable, hilarant et intelligent. Culte et unique. 9/10