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 Lou Reed Berlin - La genèse (écrit en mai 2008)

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HeLiuM
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Lou Reed Berlin - La genèse (écrit en mai 2008) Empty
MessageSujet: Lou Reed Berlin - La genèse (écrit en mai 2008)   Lou Reed Berlin - La genèse (écrit en mai 2008) EmptySam 31 Jan - 15:04

"I paid for it with love and blood "
The Bed, 9e titre de Berlin.

C'est drôle, c'est grâce à cet album que j'ai absolument voulu me rendre à Berlin, tout en ignorant que Lou Reed lui-même ne connaissait rien de la capitale allemande en écrivant son lugubre chef d'œuvre symphonique et urbain. C'est pourtant bien cette ville déchirée qui inspire Lou quand il dépeint l'horreur d'une relation déchirante entre deux junkies qui se font plus de mal que de bien.

Et ce qui deviendra tardivement le plus grand album malade et maudit du rock ne fera pas du bien à Lou Reed. Loin de là. En écrivant une telle atrocité, on peut difficilement s'attendre aux éloges de la presse et du public. Surtout qu'en 72, on a encore un peu la tête dans les délires hippies et chevelus, et Lou Reed n'a pas écrit sur les fleurs les arbres et les oiseaux, mais sur l'humiliation le suicide et la drogue. Pas le LSD ou le chanvre, hein, ça c'est pour les gentils.

Rolling Stone : "Certains disques sont tellement agressifs qu'on peut légitimement avoir envie de se venger physiquement sur son auteur".

Quand même. Même Lester Bangs, l'inénarrable rock-critic qui voue un culte au Lou, est désorienté : "Cette tranche gargantuesque de rancœur aux asticots pourrait bien être le disque le plus déprimant jamais fait". Inutile de préciser le désarroi de RCA, la maison d'édition à qui Lou va déclarer la guerre. Berlin est une catastrophe commerciale et critique. Lou Reed, incompris et désespéré, ne va pas s'en remettre avant un bon bout de temps. Un tel déballage émotionnel au mieux ignoré et au pire méprisé va faire de lui le méchant légendaire du rock. La vengeance sera terrible. La descente aux enfers est inévitable.

Vous n'aimez pas les disques adultes ? Vous êtes trop frêles pour supporter la réalité glauque de ma pièce maîtresse qui envoie mille fois Sergent Pepper aux oubliettes ? Vous préférez cette nouvelle vague de hard rockeux vulgaires aux solos interminables ? Vous en voulez ? Vous allez en bouffer.

Le live Rock'n'roll Animal est une partouze de guitare opportuniste et racoleur. Et bien sûr, ça vend. La démarche est cynique et Lou Reed, paumé et squelettique, fait n'importe quoi : il mime des shoots d'héroïne sur scène avant de tendre la seringue au public, finit difficilement les concerts quand il ne se tape pas des crises de tremblements sur scène. De retour en coulisse, il fond régulièrement en larme et se cache dans les toilettes pour s'injecter tout et n'importe quoi. Mais ça vend. RCA est ravi, sauf quand Lou se rase une croix de fer en guise de coupe de cheveux.

L'album suivant, Sally can't dance, est, malgré ses qualités, loin de l'intensité à laquelle Lou nous a habitué (sauf sur l'estimable Kill your sons). Reed s'en fout. Il est aux abonnés absents, a posé sa voix indifféremment tandis que ses requins de studio s'occupaient du reste. Et ça vend. "Plus je fais de la merde et plus ça vend", déclare t-il. Avant le traumatisme Berlin, Lou n'était déjà pas tendre. En 1975, c'est bien pire. Il agresse les journalistes, les oblige à boire, met des bouts de verre dans les poches d'un roadie qui lui déplait, insulte son public, vend son image de dépravé drogué au bord du gouffre comme personne. Et le public en redemande.

"Ils veulent me voir crever sur scène". La relation entre Lou et son public devient terriblement malsaine. "Lou Reed cocksucker" devient l'un des charmants leitmotivs du public.

Il oblige RCA à sortir un double album culte aussi infâme que génial, Metal Machine Music. 1h de boucan bruitiste sans paroles et imbuvable. Les acheteurs sont outrés, l'album est retiré des ventes au bout de trois semaines. Ca fait rire Reed, qui ne tarit pas d'éloge sur ce qu'il dit considérer comme son chef d'œuvre. RCA frôle la crise cardiaque. Le disque qui suit, Coney Island Baby, est un bel album en forme de mea culpa, plus doux et grand public. Mais ça ne dure pas : en 1978, Lou enchaîne sur une déclaration de haine incroyable, à faire frémir les punks : Street Hassle est tellement affreux, sale et méchant que même Reed s'en voudra d'avoir écrit des paroles aussi monstrueusement cyniques sur la géniale chanson titre, 10 minutes cauchemardesques et bouleversantes qui retrouvent l'intensité de Berlin. S'en suit un nouveau live hilarant et apocalyptique, Take no prisonners, où tout le monde en prend pour son grade : les journalistes, les politiques, les academy awards, Barbara Streisand, les anciens de la Factory, le public… En avance de 20 ans sur Eminem !

Lou Reed n'en finit pas de se venger de son échec Berlin. Il touchera le fond, il ira là où beaucoup ne sont pas revenus. Aucune des ces vengeances ne le satisferont, bien sûr. Au détriment la qualité de ses disques, il trouvera tardivement la notoriété qu'il mérite en même temps que la sobriété au milieu des années 80. Lou Reed va mieux, même si l'échec de Berlin lui restera toujours au travers de la gorge.

Nous sommes en 2008. Lou Reed a bien sûr pondu d'autre chefs d'œuvre même en étant heureux (New York en 1989 et l'indispensable Songs for Drella avec John Cale en 1991). Mais surtout, surtout, Berlin est enfin reconnu comme l'improbable chef d'œuvre qu'il est. Tu l'as ta vengeance, Lou. Tout le monde en veut, du Berlin. Une tournée y est consacrée et Julian Schnabel fait de l'un des concerts un film magnifique, terrifiant, envoûtant. Lou Reed ne sourit pas, mais on sent que ça le démange. Nous, dans la salle obscure, on sourit sans se retenir. Et on pleure.

Le 28 juin prochain, Berlin sera de nouveau joué dans son intégralité à Paris, salle Pleyel. Dans le public, il y aura des curieux, des fans, des passionnés, des sceptiques. Mais surtout, il y aura moi. Face au monstre le plus fascinant de l'histoire de la musique, revenu de tout, chantant les 10 chansons les plus cultes de tous les temps.
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Lou Reed Berlin - La genèse (écrit en mai 2008)
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